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“Fo Tetsa” by Djimeli Raoul

“Fo Tetsa” by Djimeli Raoul

ne pense pas à la nuit qui tombe
ni au temps qui passe
le potier Ndi s’en est allé
collecte les pièces de la jarre brisée
du temps de son enfance 
la jarre brillait comme 
les trompettes des rois soleil 
c’était pour puiser l’eau des marigots

aujourd’hui, Ndi s’en est allé
comme un fruit mûr
et l’herbe têtue a poussé 
sur le ventre des marais

les oiseaux même du haut des raphias
chantent un air désolé et inconnu 
la transition est une maladie du siècle
le cercle des tropiques s’en va…

sans transmettre le sac du deuil


Fo Temena

un jour le train passe
et le village n’existe plus

la pluie sur les toits se tait
la nuit est comme disait ma mère
un silence de plus sur le dos de la vie

nous sommes nés de la terre rouge
comme des fruits murs
nos corps ont chutés dans la vallée de l’oublie

mais nous sommes nés de la terre rouge
comme des fruits murs
nos torses noirs et robustes 
ont drainé les barques 
sur les  côtes païennes

combien coûtait un homme ?
quelques trainées de poudre
le doigt sur la gâchette
le dos courbé 

les champs de cacao s’évadent

à travers les villages rasés
dieu a fait mille races d’hommes
et celle des travailleurs

le soleil roule sur nos dos 
l’éternelle récolte de sang
même le chocolat 
est une promesse du monde noir


Fo Nakeukeu 

Kimia ma fille
tu veux rompre le chant des eaux
parce que tu as traversé le pont 
ton murmure au-dessus des cases
trahit la sagesse de tes ancêtres

tu as appris 
à sauter sur l’herbe jaune des pistes
à marcher jusqu’à l’ombre des kolatiers
à fouiller dans le feuillage du matin 
la promesse des tempêtes nocturnes

tu as traversé
dans le chant des crapauds 
le silence des rêveurs solitaires 
la mer rouge n’a pas étanché la soif 
de passeur en passeur, tu es partie 
comme la chèvre des sacrifices 

tu veux rompre le chant des rivières
tu as traversé le pont et ton murmure 
médit la couleur de tes yeux, tu danses
sur le front de la nuit, sans savoir 
de quel côté le jour frappe ses tamtams


RAOUL DJIMELI, écrivain et activiste culturel au Cameroun, dirige la publication du magazine littéraire Clijec Mag’ (www.clijecmag.com ) et préside l’African Festival of Emerging Writings. Ses poèmes et sa prose sont parus en français, en anglais et traduits en Kiswahili et en espagnol dans divers collectifs y compris l’anthologie intercontinentale ARBOLARIUM. Il a participé au Limbe-Lagos literary Exchange et au premier projet de fictions Afro Young Adult dont l’anthologie, Water Birds on the Lakeshore est parue en trois langues. Il a codirigé le projet poétique Ashes and Memories sur la crise anglophone au Cameroun, et publié Le front brûlant de l’aube.

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